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28 janvier 2016 4 28 /01 /janvier /2016 15:45
En politique, pour accéder au pouvoir, l'arme de la démission a souvent l'efficacité du pistolet à bouchon.



Clap de fin. C'est fait, le feuilleton Taubira s'est achevé le 27 janvier 2016. Après sa déclaration d'opposition au principe de la déchéance de nationalité pour crime terroriste qu'elle avait exprimée d'Alger pour mieux exaspérer tous les franchouillards qu'elle exècre, la garde des Sceaux a présenté sa démission au Président de la République. La droite s'en réjouit, la gauche morale l'applaudit en regrettant son départ. La gauche de gouvernement la remercie du travail accompli, bien que fatiguée de ses foucades. En partant avant de se faire virer, elle aura au moins évité une crise politique dont le pouvoir n'a pas besoin en ce début d'année 2016 fort morose.

"Elle a claqué la porte" écrit Le Monde. Pour un temps, nous serons sevrés de ses philippiques et des joutes oratoires auxquelles elle aimait tant se livrer au Parlement. Nous entendrons moins ses déclarations visant à faire sangloter l'homme blanc nourri de la mauvaise conscience de l'esclavage et de la colonisation. Nous avions une ministre flamboyante. Nous ne l'avons plus. C'était plus amusant que certaines voix ministérielles au féminin qui me paraissent bien frèles et ternes au risque de passer pour un affreux misogyne. La gauche vient de perdre une icône, même si l'ex-ministre, forte du désaccord politique majeur qu'elle a manifesté sur le contenu du projet de modification constitutionnelle, demeure bien vivante et n'entend pas faire retraite en gardant le silence.

Et après? Désormais tous les observateurs retiennent leur souffle. Malgré ses dénégations, certains la voient se présenter à une primaire de gauche. D'autres estiment qu'elle va concurrencer Mélenchon en présentant directement sa candidature pour les élections de 2017. D'autres plus fatalistes, attendent une annonce surprise de sa part qui achèvera de désunir la gauche. Certains lui prédisent déjà un grand destin au service des minorités dont elle s'est faite l'avocate zélée lorsqu'elle était ministre. Et comme chacun sait, les minorités d'aujourd'hui sont les majorités de demain.

A l'analyse, il ne faut pas surestimer la capacité d'un homme ou d'une femme politique qui décide de démissionner de ses fonctions quand il exerce le pouvoir.
- Le général de Gaulle qui avait démissionné de la présidence du gouvernement provisoire en janvier 1946, bien qu'armé du rassemblement du peuple français de 1947 jusqu'en 1953, dut attendre mai 1958 pour reprendre le pouvoir, mettant ainsi fin à l'agonie de la République des Partis de la IV ème République. Seules les circonstances exceptionnelles de la Guerre d'Algérie lui auront permis de se remettre en selle du fait de son prestige de patron de la Libération.
- Jacques Chirac patron de l'UDR (qui deviendra bientôt le RPR) et premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing en1974, demissionna de cette fonction avec fracas en 1976. S'il réussit à faire perdre son ancien patron en 1981, il ne parvint à devenir Président de la République qu'en 1995. Ça fait long pour qu'une démission finisse payer.
- Mais c'est Jean- Pierre Chevènement qui demeure le champion de la démission à répétition en vertu du principe selon lequel, en désaccord avec le gouvernement, "un ministre, ça ferme sa gueule; si ça veut l'ouvrir, ça demissionne."

A trois reprises, il a mis fin volontairement à ses fonctions: une première fois en1983 pour condamner le tournant de la rigueur. Une seconde pour s'insurger contre la logique mitterrandienne de guerre en Irak en 1991, une troisième en 2000 quand il s'opposa au Plan sur l'avenir de l'île de Beauté, parce que ce dernier avait reconnu les nationalistes corses comme interlocuteurs sans que ceux-ci aient renoncé à l'usage de la violence.

Dans son cas, ces démissions n'auront pas débouché sur l'accès à la responsabilité suprême, les troupes de son parti, "le mouvement des citoyens", étant trop maigres pour faire rallier la majorité du peuple français à sa cause. Il aura tout juste pu démontrer son caractère de nuisance en contribuant, lors de l'élection présidentielle 2002, avec 5,33% des suffrages, à l'élimination de Lionel Jospin au second tour et à la sortie de celui-ci de la vie politique.

Quels que soient ses talents oratoires, sa culture, son amour pour les textes de Frantz Fanon et d'Aimé Césaire, la passionaria du mariage pour tous et de la justice avec le moins de détenus possibles, l'icône de la diversité et des minorités, une fois sortie des cercles étroits du pouvoir, mesurera très vite qu'il est très difficile de regagner le char de l'état une fois qu'on l'a quitté. Sa démission très probablement n'aura pas plus d'effet que l'explosion d'un pétard mouillé.

Comme cette bête politique est une teigneuse, elle pourrait se faire plaisir en étant candidate à la future présidentielle. Mais le seul résultat de cette tentative serait de nuire à celui qui la fit reine de la justice en 2012 et de faire triompher le représentant honni du camp d'en face. Nul doute que nombre de voix de gauche tenteront dans les prochaines semaines, de lui faire comprendre que sa démission ne saurait s'assimiler à une trahison. Pas sûr qu'elle sera convaincue par l'argument, persuadée qu'elle est de se situer dans le camp du bien. Mais quand on est dans ce camp, la seule arme du pistolet à bouchon est de peu d'effet face au camp du mal.


Frederic Buffin

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