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26 janvier 2016 2 26 /01 /janvier /2016 22:31
Le surplace, c'est maintenant.




Cette fois c'est sûr, depuis le temps que le sujet est évoqué dans les dîners en ville où se pensent les grands changements du pays, nos gouvernants en ont décidé le principe: haro sur le code du travail. Ce pelé, ce galeux, d'où vient tout le mal. C'est lui qui paralyse les entreprises, qui gâche la vie des petits patrons, qui dessert les salariés parce qu'il freine la création d'emplois par son ampleur et sa complexité, selon le principe: "trop de protection tue la protection."
Pire encore, sous le prétexte en forme de faux nez du dialogue social, il favorise grâce à l'importance de la négociation collective des branches professionnelles, la domination des apparatchiks des bastilles syndicales et patronales qui savent toujours mieux que les entreprises, les patrons et les salariés de base, ce qu'il faut faire pour défendre les intérêts de ceux-ci.
Et en sus, la compréhension de cet ouvrage de plus en plus pesant n'est plus maîtrisée que par les avocats travaillistes qui s'entendent comme larrons en foire avec les magistrats de la cour de cassation pour en faire leurs choux gras.
Bref, le mot d'ordre dans les cercles du pouvoir est simple: "à bas le code du travail," même s'il est vénéré par les travailleurs comme autrefois le veau d'or de l'Ancien Testament par le peuple juif, que les injonctions de Moïse finirent par mettre à mal.

Las, pour mettre à bas ou réduire les 3000 pages de ce code plein de dispositions que nous comprenons d'autant moins qu'elles sont contraires à nos intérêt d'employeurs ou de salariés, nos gouvernants n'ont pas la puissance mystique de conviction du prophète de l'Exode.
Il a suffi qu'un jeune ministre (trop) versé dans l'économie parle de toilettage ( de quoi se mêle-t-il puisqu'il existe une ministre du travail si compétente qu'elle ignore les règles du CDD,) pour que comme dans une pièce de théâtre grec, le choeur des pleureuses developpe sa mélopée à la gloire du texte sacré: Syndicalistes, communistes, socialistes, spécialistes, (qui sont souvent les affidés de ces derniers,) crient: "sus à l'imprudent démiurge qui veut sortir de son domaine de compétence. Qu'il retourne à son métier de banquier, plutôt que de s'en prendre à un élément clé de note État Providence!"
Tout y passe en matière de critiques: "Les droits des travailleurs sont en danger; la démocratie sociale est en péril; il n'y en a que pour les patrons.
D'ores et déjà, les limites de l'exercice de simplification et de toilettage de feu "le code d'avant", sont clairement fixées par nombre de veuves éplorées telles Martine Aubry qui défend bec et ongles les lois Auroux et la semaine des trente-cinq heures. ( On ne va tout de même pas toucher à ces textes fondamentaux qui contribuent autant à paralyser au quotidien l'économie française.)
D'autres objections sont avancées: "Pas d'inversion de la hiérarchie des normes juridiques au sein des entreprises, elles risqueraient de mettre fin au pouvoir des hauts fonctionnaires du ministère du travail qui ont tant fait pour mettre en place le colbertisme sur l'ensemble des entreprises. Pas touche non plus au caractère légal de la durée du travail fixée à 35 heures. Priorité absolue au caractère majoritaire des accords collectifs; accent mis sur la négociation de branche, maintien du CDI et du CDD, maintien du SMIC; encadrement strict des heures supplémentaires; etc."
Du bout des lèvres, a tout de même été concédée la fusion des instances représentatives dans les entreprises de plus de 300 salariés. Alors niet pour les PME dont les effectifs de salariés sont inférieurs à ce chiffre, on se demande pourquoi. Et si on pouvait imposer à des dernières, la logique de branche dans toutes ses contraintes, ce serait encore mieux. Quant au compte pénibilité, à la complémentaire santé et au compte personnel d'activité, aucune entreprise, même la plus petite qui a eu le malheur d'embaucher un salarié, ne doit y échapper.
Une concession de taille, il est question de faciliter la mise en oeuvre des référendumsd'entreprise en cas d'accord sur le maintien de l'emploi signé par les seules organisations syndicales minoritaires en leur conférant un caractère décisionnaire. On attend de voir au Parlement comment cette disposition sera combattue par les parlementaires à qui la CGT et FO auront fait les yeux doux avec la question qui tue: "Depuis quand les salariés des entreprises savent mieux que les représentants syndicaux ce qui est bon pour eux?"

Pour circonvenir cette impressionnante charge sur le thème" touche pas à mon code", nos gouvernants fort marris, ont ressorti Robert Badinter des cercles huppés de la gauche caviar Pour qu'il remette 61 propositions de simplifications ou d'allègement du texte sacré. Après l'abolition de la peine de mort en extirpant du code pénal la redoutable sentence, "tout condamné à mort aura la tête tranchée", on l'a connu plus inspiré . C'est dur de changer de spécialité juridique surtout à son âgé avancé. Mettre fin à la guillotine, c'était plus simple que de proposer un régime minceur à une des vaches sacrées de notre système de protection sociale.

Le lecteur comprendra ainsi, sans être un expert, que la réforme annoncée, bien qu'urgente, a du plomb dans l'aile. Elle ne touchera le code du travail qu'à la marge. En sus, sa mise en oeuvre est prévue pour 2018. Électoralement, c'est plus sûr d'avoir l'air de bouger, sans toucher à l'essentiel.
En clair le changement dans le domaine du travail comme dans d'autres, c'est pour après-demain. En attendant des jours meilleurs en matière de sondages, nos gouvernants en sont réduits à s'appliquer le principe cher à tout cycliste du plus modeste au plus chevronné, "plus tu pédales moins vite, moins tu vas plus vite." En politique, avoir l'air d'avancer sans avancer, c'est du grand art. Avancer à pas de tortue en ayant l'air d'avoir la vitesse du lièvre, ça demande du talent. Un grand bravo à nos élites du pouvoir qui maîtrisent à ce point l'art du surplace tout en donnant l'impression de bouger.

A y réfléchir, la carapace d'une tortue des Galápagos qui se hâte avec lenteur pour avancer, résiste mieux au plomb des chasseurs électeurs, que le fringant pelage du lièvre des montagnes. Nous sommes en démocratie. Et nos gouvernants qui recherchent nos suffrages n'ont pas envie de servir de gibier électoral sans se protéger. Il faut les comprendre, même si au rythme actuel des réformes, notre pays sera bientôt dépassé par ses concurrents.


Frédéric Buffin.

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