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14 janvier 2020 2 14 /01 /janvier /2020 12:08

                                              Le Léviathan de Hobbes. à lire absolument.

Vous avez lu les 141 pages des deux projets de loi sur la réforme des retraites (Loi Organique et loi tout court,)? Et bien moi si. Et contrairement à ce que vous pouvez penser, c’est absolument passionnant de parcourir les deux fois soixante-quatre articles de ces deux projets de  textes.

Non pas seulement parce qu’ils contiennent sur l’organisation de ce qui doit constituer le paradis terrestre français pour les futures générations lors de leurs vieux jours, mais aussi parce qu’ils révèlent des rapports très particuliers entre l’Etat, les corps intermédiaires et les citoyens.

Trois impressions majeures ont frappé mon imagination d’ancien cadre supérieur de la Sécu qui comme chacun sait constitue une vache à lait qui du berceau à la tombe doit venir au secours de tous les résidents qui ont le bonheur de fouler le territoire français.

1) Ces textes obéissent à une longue tradition multiséculaire d’interventions pointilleuses de la puissance publique dans la vie des organisations et celle quotidienne des assurés ou des assistés, (On ne sait plus trop.)

- Tocqueville dans son magistral ouvrage sur L’ancien régime et la révolution intitule le chapitre II  en ces termes : « Que la centralisation administrative, est une institution de l'Ancien Régime et non pas l’œuvre de la Révolution ni de l’empire comme on le dit. » Comme quoi l'envie de l'Etat de tout régir, ne date pas d'hier.

- Il est très intéressant de voir à quel point dans ces deux textes, transparaît cette tradition d’intervention systématique du pouvoir central et plus particulièrement  du pouvoir exécutif. De façon systématique, les articles prévoient le recours à des ordonnances dont le principe sera voté par la majorité parlementaire, mais dont les détails seront laissés au bon vouloir des autorités gouvernementales et de ses puissantes administrations centrales.

- La Retraite désormais sera gérée, encore plus qu'aujourd'hui,  principalement rue de Bercy et avenue de Ségur. Quant aux partenaires sociaux, ils auront droit à un strapontin, face à un Etat qui non seulement se présente comme  le garant du système des retraites (ce qui est normal en démocratie sur un sujet à 300 milliards d’euros) mais aussi  le gérant à tous les étages nationaux comme locaux.

2) On ne  peut qu'être  confondu par la capacité rédactionnelle des promoteurs du projet : 141 pages de textes législatifs, sur la Retraite, avant même que les ordonnances, les décrets en Conseils d’Etat, les décrets simple et les arrêtés ne soient publiés, excusez du peu ! Mais chapeau bas, il y a du boulot.

Imaginez que le projet, sous la pression des syndicats les plus protestataires, soit retiré, mais ce serait faire litière du travail de tous les plumitifs des administrations centrales qui sont parvenus à construire un tel monument à la gloire de l’ETAT qui nous veut du bien en toutes circonstances (mais à condition que l’équilibre financier soit respecté. Il faut rester sérieux tout de même !)

Dans cette logique d’abandon presque total de la logique bismarckienne qui donne une place conséquente aux partenaires sociaux comme en Allemagne ou en Belgique, j’imagine déjà le temps que devront passer les représentants des administrations centrales à l’Assemblée Nationale et au Sénat pour assister les ministres qui défendront le projet dans le détail du détail dont chacun sait qu’il est porteur des flammes de l’enfer.

Il y a lieu d’ailleurs de faire une suggestion à la questure pour la bonne organisation des travaux parlementaires sur ces deux textes: c’est de prévoir des lits de camp pour les députés, sénateurs membres du gouvernement et leurs conseillers de façon à pouvoir aller jusqu’au bout de ces deux textes avant la fin du premier semestre 2020. Quelques boites de paracétamol ne seront pas non plus de trop pour éviter les migraines des députés et sénateurs qui devront voter ces textes.

A moins que pour éviter des discussions par trop chronophages, il ne soit proposé d’utiliser la technique du vote bloqué contenu dans l’article 49-3 de la Constitution. Inutile en effet de provoquer des insomnies sans nombre à tous les parlementaires qui voudront bien s’investir sur le sujet. La démocratie parlementaire, c’est bien, mais c’est comme la démocratie sociale, que de temps perdus en discussions oiseuses. Et d’aucuns pourraient dire au château qu’on ne gouverne pas par objection. (Je n'ose évoquer la possibilité de l'art 16. (Nous ne sommes pas encore plongés malgré les grèves,  dans une situation où la continuité des institutions est menacée et nous ne sommes pas Dieu merci en dictature.)

3) On ne peut que s’esbaudir devant la vocation d’un texte dont certaines mesures ne feront sentir leurs effets qu’en 2030, voire 2040. Cette ambition prométhéennes en dit long sur l’Ubris  (l’orgueil) administratif de ses promoteurs.

Alors que les lois de finances de l’Etat et celles de la Sécurité sociale conservent un « misérable » calendrier annuel qui fait perdre de temps et d’énergie aux parlementaires à chaque automne, ces deux projets de loi fonctionnent sur le temps long, puisque la mesure à court terme sur le report de l’âge d’équilibre à 64 ans à partir de 2022 ou 2027 (on finit par ne plus savoir) a été ajournée.

Même si la clause du grand-père a été en principe rejetée, on voit bien que pour faire passer la pilule aux défenseurs des régimes spéciaux à titre provisoire qui vont devenir singuliers ou particuliers à titre définitifs, il a fallu calmer la ire de la plupart des agents en place en leur accordant un large étalement dans le temps des mesures d’harmonisation de l’âge de départ en retraite. (Tout ça pour ça. diront certains)

Ces deux textes contiennent donc une admirable profondeur temporelle, bien légitime puisque le problème essentiel des retraites réside dans le fait que leurs bénéficiaires mettent une mauvaise volonté évidente à quitter cette terre pour rejoindre la maison du père où aucune pension éternelle n’est garantie !

Conclusion provisoire.

Pour démontrer à mes quelques lecteurs que la lecture de ces textes en apparence roboratifs est pleine d’intérêts, je vous propose d’en commenter les meilleures pages dans les prochains jours à commencer par la gouvernance.

Dans le système antérieur, l’Etat était déjà fréquemment sous la table. Avec le nouveau qui se profile pour demain et après-demain, il est à la table voir sur la table, comme un Léviathan paterne, économe et autoritaire.

P.S. La lecture de de ces deux textes démontre que tous ceux qui qualifient notre brillant Président de la République de libéral sont dans l'erreur. Il est le digne et brillant représentant de la noblesse administrative d'Etat qui conduit les destinées du Pays depuis plusieurs siècles. Certains s'en réjouiront, d'autres s'en plaindront, mais c'est ainsi.

Frédéric Buffin retraité, ancien directeur de caisse de retraites de régimes spéciaux fin connaisseur des tutelles administratives qui souhaite  gérer les retraites dans une logique étatique voire soviétique.

le 14 janvier 2020.

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